La scène se passe dans une ville magnifique mais assez peu accueillante , une ville qui a tout pour être heureuse mais fait un peu trop souvent la gueule , une ville un peu trop gâtée sans doute par tous les touristes qui s'y pressent et l'ont élue " plus belle ville du monde " : Paris .
Quartier , Châtelet , pas un des plus authentiques il est vrai . Après une assez copieuse journée , je décide de profiter d'un rayon de soleil inattendu pour m'offrir en terrasse un café , option lecture et observation de mes contemporains( toujours édifiant ) , ce genre de bonheur simple qu'il est vital de s'octroyer quel qu'en soit le prix ( en l 'occurrence deux euros et cinquante centimes pour quelques grammes de caféine et un peu d'eau chaude , amortissement du percolateur électricité et location de l'emplacement inclus .)
Deux sacs à la main , une envie pressante , je me dirige vers l 'endroit adapté (? ) d'un pas décidé " Bonjour Monsieur " m'adresse le taulier comme un défi ( j'en saisis déjà l'enjeu ) , je lui réponds du même air décidé et un peu plus enjoué . " Bonjour monsieur " .Jusqu'à présent , la balle est au centre, difficile de déterminer quelque forme d'avantage.De retour d'un endroit que l'on auarait aimé trouvé aussi propre que vous auriez aimé le trouver en entrant , ce qui n 'était pas le cas même si je n 'ai pas vraiment compris le sens de ce que je viens d'écrire . Je me dirige vers la terrasse - donc vers la sortie - c 'est là que les ennuis commencent - d'un pas tout aussi décidé , tout heureux à l'idée de me laisser bercer par cet accueillant soleil d'avril.Sur le pas de la porte, une serveuse me barre le passage , très très déterminée - à ce stade de l 'histoire , j 'ai toujours le blouson sur le dos , mes deux sacs à la main . "Qu'est-ce que je vous sers Monsieur? " - Il y a comme du défi dans le ton de cette femme , un mental de boxeur aussi et une colère très ancienne , antique même ...
- je vous le dirai lorsque je serai installé à votre terrasse rétorqué-je ... Moment de flottement ,nos relations ne partent pas d'un bon pied , je le sens , elle le sent aussi , j'en suis certain !
Je réfléchis , il faut faire vite , la tension est là , déjà sourde ...Je sens que nous sommes partis pour un fameux round d'incompréhension , j'ai du mal à m'empêcher de mettre un peu d'huile sur le feu " Alors donc , en fait , vous vous imaginiez que j'allais utiliser vos latrines et m'enfuir à vive allure ? c 'est cela ?
- vous ne seriez pas le premier, une haine profonde à l'égard des non consommateurs est palpable, je paierai pour tous ceux qu'elle n 'a pu prendre sur le fait , martyr de ces incontinents impunis.
A ce moment précis , je propose de m 'extraire de cette situation.
- Je vais vous donner 2 euros cinquante et aller m 'assoir à la terrasse d'en face , ainsi vous n'aurez pas "perdu"d'argent , l'utilisation de vos latrines est amortie et je peux m'en aller vers des cieux plus souriants .
La serveuse , difficile de l 'appeler ainsi réflexion faîte , refuse la transaction , je lui rappelle que je viens irrégulièrement mais assez fréquemment m 'appuyer à son comptoir en quête de caféine , elle ne me croit pas , elle ne me croit plus , elle ne m 'a jamais cru , et elle ne me croira jamais je le sais maintenant, notre relation n'a plus d'avenir .
" Quelle ville de merde tout de même " lui dis-je comme pour lancer un débat.
- T'as qu'à rentrer chez toi !
- Je suis chez moi ...
je suis parti , n'en revenant pas ( c 'est le cas de le dire et cela fait partie de mes résolutions ) , en marmonnant un salut vieille conne à peine convaincant .