Lorsque l'on voit une chose s'éloigner , au risque de ne jamais plus pouvoir la rattraper, elle en devient plus précieuse encore , on mesure ce que l'on aurait à perdre si elle sortait de notre monde.
Il en va ainsi des êtres humains peut-être aussi ...Je ne sais pas.
Ce matin à 10h , Hector zazou a quitté le monde de ceux qui marchent debout.Il y a quelques semaines,un courrier venu de nulle part m'avait apprit sa maladie,j'ignorais tout de son état, je l'avais un peu perdu de vue depuis quelques temps, occupé à d'autres choses , l'envie aussi , il faut le reconnaître de me tenir à distance d'un musicien-producteur parfois difficilement déchiffrable dans ses intentions .Mais toujours aussi régulièrement ,des retrouvailles , comme on revient près d'une balise après être allé vogué ailleurs.
J'ai dû faire une bonne dizaine de disques avec lui ,peut-être plus , dans des conditions parfois assez rocambolesques qui me donnaient plus souvent l'impression d'être à New York ou Berlin qu'à Montreuil où le plus souvent nous avons travaillé.Notre rencontre a eu lieu au studio Davout il ya longtemps maintenant , j'étais impressionné de me retrouver là , il avait glissé à une amie commune "Dis à ton Yvinec de passer au studido avec une basse .On s'était serré une bonne louche et il m'vait fait écouter un morceau sur lequel la voie de David Sylvian était lovée , il m'avait demandé "ça vout dirait d'essayer quelque chose là-dessus , sans réfléchir , je m'étais jeté dans le grand bain , quelques minutes plus tard , on s'attaquait à un truc avec John Cale .Pas de nouvelles pendant quelques mois puis un matin, dans la boîte aux lettres "Sahara Blue " , un hommage , magnifique à Arthur Rimbaud , avec un casting de dingue -Depardieu Khaled,Laswell,Sylvian, Cale, Brendan Perry, Sakamoto, Boringher, Keith Leblanc,Lisa Gerrard etc. etc.D'autres ont suivi , nombreux , je ne suis pas ceratain de les avoir encore tous ,pendant des années , j'étais de presque tous ses projets .L'observer au travail ,dans la rapidité de ses prises de décisions parfois totalement inconscientes , le choix fantasque de ses invités, m'a appris une foule de choses , je me sentais petit garçon en train d'observer un Plus Grand, je ne savais pas alors que j'allais faire autre chose que jouer la musique des autres , que j'allais monter ma petite entreprise, mitonner mes disques , en produire ...Je sais depuis longtemps que sans le vouloir sans doute (quoique allez savoir ), il m'a aidé dans sa fausse candeur à ne pas me faire un Everest d'un projet , d'une décision...ce n'est sans doute pas par hasard que lorsque "Recycling The Future" enfin terminé , je suis passé à son studio pour le lui faire écouter , pas pour rien non plus qu'il m'avait un peu décontenancé par sa réaction presque violente, dont il s'était excusé le lendemain , notre rapport évoluait, sans doute pour cela que je ne lui avais rien fait écouter avant que tout soit mixé et qu'on n'y puisse plus y toucher un cheveu .... Voilà , en dehors des moments passés à se raconter nos vies ,des histoires de petits coeurs et des idées folles ,des moments partagés avec Harold Budd,David Sylvian et bien d'autres , avec sa petite équipe aussi dont beaucoup sont devenus des amis , Renaud Pion, Christian Lechevretel-lui aussi disparu, un autre être précieux et délicat - Jean-Michel Reusser, son manager et ami qui probablement le connaissait mieux que quiconque , Gilles Martin ...
Je savais que Zazou m'était précieux ,je le sais encore aujourd'hui . J'ai pu le lui dire il y a quelque jours, lui et ses immenses pulls handmade (Zazou était un Grand Mec), ses chauffages au pétrole qui nous asphyxiaient entre deux prises, ses questions saugrenues, et son air de ne pas y toucher ..Et cette capacité à faire un Tout à partir d'un rien , ce n'est pas rien !